Poulet au vin jaune
Je profite de l’approche des fêtes pour ressortir cette recette délicieuse. Il m’arrive de la refaire simplifiée en période normale juste pour le plaisir.
Le post a été écrit il y a déjà quelques années. Le titre était assez racoleur (à l’époque, c’était poulet de bresse au vin jaune) et Poulet de Bresse, y’en avait point et de vin jaune encore moins !Je dois avouer que les fêtes, c’est absolument pas ma période préférée pour cuisiner. Moi, j’aime quand tout est calme autour de moi… je peux alors : me promener tranquillement dans les magasins, garer ma voiture en quelques secondes, pousser mon caddy sans me faire insulter, ne pas subir agressivement les hauts-parleurs qui diffusent à profusion musique ou spots publicitaire, accéder à un rayon sans avoir à me battre, choisir en toute sérénité un produit, passer à la caisse sans faire la queue…..
Téméraire, j’avais quand même choisi de tenter l’inhabituel pour l’occasion, le poulet de bresse au vin jaune sauf que…. La période étant très mal choisie, sur les étals, des chapons à profusion et point de poulet. J’arrivais toutefois à me saisir de la dernière volaille du genre qui avait échappé à la razzia collective certainement à cause de son prix élevé : certes, il n’était pas de Bresse mais certifié fermier et bio quand même… Pour les morilles, je ne cherchais même pas, celles séchées, déjà dans mes placards, feraient très bien l’affaire.
Phase numéro 2, le vin jaune : Je me rendis vite compte qu’il est très illusoire de chercher, au moment des fêtes, du vin jaune dans le pays de la Bière et des moules frites. Le magasin Leclerc visité la veille n’avait que quelques bouteilles d’Arbois. Dans la Graaaaaaaannnnnnnnde surface noire de monde, le sommelier m’annonca avec un grand sourire qu’il avait vendu, il y a quelques jours, les dernières bouteilles mais que je pourrais le remplacer avantageusement avec un pouilly fuissé. Dans mon désespoir, j’acceptai de le croire et me saisis du précieux liquide : de toute façon, c’est un vin que j’aime beaucoup.
Prise remords, je courrai alors chez le caviste le plus proche que ma demande semblait amuser : c’est un produit que nous ne faisons pas… j’insistai et lui demandai alors à quoi ça ressemblait : excédé et sans doute pour se débarrasser rapidement de moi, d’un geste désinvolte il me montra une bouteille de Sauternes et me dit : ça !. Bizarre, dans mon esprit, le vin jaune est un vin blanc sec… mais, lui, il est sommelier… Je suis prête à croire n’importe quelle ineptie si c’est pour le bien du réveillon mais quand même, je n’achetai pas : du Sauternes, y’en a à la maison.
Retour vers la maison : je m’arrêtai à la supérette du coin. Dans ce petit village reculé de la campagne lilloise, quelqu’un aurait sans doute oublié au fond d’une étagère la dernière bouteille du précieux nectar. Je passai à la caisse avec un malheureux petit paquet de levure mais sans vin jaune. Je rencontrai une copine, la conversation s’engagea : « t’as déjà fait du poulet au vin jaune…. blablabla… tu sais à quoi ça ressemble…. blablabla….. » Elle me conseilla tout de go d’aller voir l’excellent caviste du coin du côté près de la Belgique, ill en aura sans doute et puis elle, elle le connaît ce vin : mais non, ça ressemble pas au Sauternes, c’est beaucoup plus sec. Retour point zéro. Une personne sensée aurait jugé qu’il était temps d’abandonner !
Le lendemain matin, jour J, je décrochai mon téléphone et demandai à l’autre sommelier du coin conseillé par ma copine s’il avait le précieux liquide : non, me répond il, on a nos a priori nous et le vin jaune, on ne le vend pas… le vin jaune mouais… très très cher…. ça n’accompagne pas un repas ça ma bonne dame…. J’ai un petit Bergerac blanc assez vieillot pas très bon à boire mais excellent en cuisine, si vous le voulez, il vous en coûtera seulement 5 € . Niveau gustatif il se rapproche un peu du vin jaune…. Un caviste du coin recommandé par une copine, faut le croire… me voilà donc qui filai la bas, je m’emparai de l’imbuvable picrate, l’ouvrai, l’humai, la goûtai et restai dubitative….. très ordinaire ce vin mais on sent qu’il a vieilli… manque toutefois un peu de saveur… et si je lui en donnais : il était alors 10 heures du matin et je fis quelque chose d’inouï, sans doute une hérésie pour un oenologue convaincu et même peut-être pour un cuistot : je mis dans 30 cl de mon vin, deux noix, deux noisettes et quelques amandes fraichement torréfiés, une petite pointe de coûteau de cannelle et deux gouttes de vanille. Si le vin jaune ne vient pas à moi, j’irai au vin jaune…. que ne ferait on pas par désespoir. Consciente de mon choix peu orthodoxe de cuisiner le poulet, mais très angoissée, je décidai dans un dernier sursaut de consulter l’encyclopédique Google : poulet, morilles et pouilly fuissé et constatai qu’en Bourgogne, on cuisine le poulet quasiment comme dans le jura. Une bouteille un peu vieillie, ce serait mieux. Je cours à « ma cave » chercher le produit, la débouche : oh rage, oh désespoir, elle est bouchonnée grave…. le sort est contre moi, si c’est pas triste ça.
15 heures…. j’ouvre le Pouilly fuissé jeune acheté la veille, je goûte… puis je goûte ma mixture… pas mauvais du tout cette mixture… je goûte de nouveau le Pouilly puis ma mixture…. suis je déjà un peu pompette…. c’est décidé, c’est ma mixture que j’utiliserai…. c’est mon dernier mot. Quant à la recette : jamais d’accord d’une source à l’autre, alors ce fut selon mon adaptation.
Le plus étonnant dans tout ça, c’est que ce fut un véritable délice.
Les ingrédients :
1 poulet fermier bio (poulet de Bresse conseillé)
30 gr de beurre + 15 gr
1 cuillère à soupe d’huile de tournesol
90 gr d’échalotes
15 à 20 gr d’ail
60 gr de morilles séchées
30 cl de crème fraîche épaisse de très bonne qualité et pas allégée
1 cuillère à soupe légèrement bombée de farine
Bouquet garni (une feuille de laurier, un peu de thym, une belle branche de persil)
2 cl de cognac
Sel, poivre
20 cl de vin blanc sec un peu vieux (vin jaune dans les recettes d’origine, bergerac blanc chez moi)
Quelques heures avant (4 à 5 heures)
Améliorer un vin ordinaire :
deux noix
deux noisettes
quelques amandes effilées
2 gouttes de vanille
1 pointe de cannelle
La méthode d’amélioration du vin est très empirique et peut être même fantaisiste mais c’est ainsi que j’ai procédé. Nous avons aimé le résultat final mais je ne suis pas sure que ce procédé y soit pour quelque chose : Plusieurs heures avant la préparation du plat, torréfier les fruits secs en les plaçant dans un four chaud. Verser les fruits encore chaud dans le vin et ajouter vanille et pointe de cannelle (attention, en mettre très très peu… ). Au moment d’utiliser le vin, passer le liquide : jeter les fruits, réserver le vin.
Faire tremper les morilles :
Jeter les morilles dans de l’eau tiède allongée de 2 cl de cognac. Laisser tremper environ 4 heures. Au bout de ce temps, retirer la queue des morilles et couper chacune d’entre elles en deux afin de vérifier, s’il ne reste pas du sable coincé à l’intérieur. Réserver.
La cuisson du poulet :
Commencez par découper votre poulet en 6 morceaux + la carcasse : 2 cuisses, le bréchet (blancs) sectionné en deux, les deux ailes et la carcasse (coupé en deux).
Faire fondre dans une cocotte le beurre et une cuillère d’huile. Ajouter les morceaux de poulet (sans la carcasse), saler, poivrer. Faites raidir de tout côté la viande mais ne la laisser pas prendre couleur. Au bout de ce temps, ajouter la carcasse, le bouquet garni. Couvrir la cocotte et mettre à four chaud 180° pendant 25 minutes. Retirez alors les ailes et le blanc et laisser encore 10 mn.
Retirer la viande et la déposer sur un plat de service. Récupérer la graisse dans un verre.
Hachez menu ail et échalottes. Verser un peu de la graisse récupérée au fond de votre cocotte. Faire revenir une dizaine de minutes ail et échalottes sans que jamais elles ne roussissent. Laisser le bouquet garni. Ajouter le cognac et flamber. Verser le vin blanc, mettre à feu doux et laisser réduire de moitié.
Pendant ce temps, faire un roux avec 15 gr de beurre et la farine. Ajouter à ce roux les morilles et la crème fraîche. Laisser fondre la crème puis verser le tout dans la cocotte contenant échalotes, ail et vin blanc. Retirer le bouquet garni. Poser dessus votre poulet (sans la carcasse) et tenir au chaud à feu doux, une trentaine de minutes.
Ce plat peut attendre un peu et être réchauffé au dernier moment. Un conseil ne faites pas ce plat avec du vin jaune mais avec un vin blanc de bonne qualité mais moins cher (type vin d’arbois, cépage savagnin ou encore pinot d’Alsace). Au dernier moment, jeter un filet de vin jaune dans votre sauce et servir le reste à l’occasion de votre repas.
Servir de préférence avec des pâtes. Nous avons choisi des pâtes à base de sarrazin directement importé d’Italie à l’occasion d’un de nos voyages.
La sauce a eu un réel succès : à quoi cela était il du ? : au caractère fantaisiste du Bergerac imbuvable, à ma mixture tout aussi fantaisiste, aux morilles…. je ne le saurai sans doute jamais mais ce fut un petit miracle de la cuisine.
Version simplifiée :
Remplacer le vin jaune par n’importe quel vin blanc sec. Remplacer les morilles par des champignons de Paris. Vous n’êtes pas obligé d’utiliser un poulet entier mais il faudra revoir les proportions. En tout cas, le tout fonctionne très bien.