Mon grand-père qui était un poilu de la guerre 14-18 n’eut fort heureusement pas à combattre car il était vaguemestre, autrement dit, messager des armées. Mais quand même. Les horreurs de la guerre, il les a connues. Son village qui est aussi celui de mon enfance était sur le front. Il fut totalement rasé. Mon grand-père perdit presque tout ce qu’il avait c’est à dire deux de ses trois maisons, la dernière étant dans un état lamentable et inhabitable. Les années qui suivirent avec 6 enfants à nourrir furent très noires. Ils furent obligés de changer de village, du moins jusqu’à la reconstruction. Agriculteurs, ils élevaient du cochon mais ne le mangeait pas. Ç’aurait été du luxe, ils les revendaient pour acheter du lard ce qui leur assurait des repas pour beaucoup plus longtemps. Ma grand-mère, par la force des événements est rapidement devenu une spécialiste de la choupe au choux et au lard. Il y en avait toujours dans un grand chaudron posé au coin du feu et ils la mangeaient accompagnée de quignons de pain. Enfant, mon père détestait ce potage cuit et recuit. Ma grand-mère sensible aux pleurs de son petit dernier lui cuisinait alors des pains dorés. On les appelle aussi pain perdu, mais de toute façon, ce pain ne pouvait être perdu.
Les ingrédients
De l’eau
Du sucre vanillé
ou une gousse de vanille fendu en deux
Du pain
100 gr de farine
2 oeufs
Du sucre
1 pincée de sel
La recette
Faire une pâte à crêpe un peu épaisse avec la farine, les oeufs, une pincée de sel, une cuillère de sucre et un peu de lait.
Faire à côté un mélange avec moitié lait et moitié eau (ou 3/4 lait, 1/4 eau) que vous parfumez avec de la vanille et que vous sucrez légèrement. Chauffer légèrement ce mélange (facultatif, ça fait bien fondre le sucre et ça fait gagner de la chaleur au pain pour la cuisson).
Faire chauffer de l’huile dans une poêle. Tremper le pain coupé en tranche dans le mélange eau lait puis les entourer de la pate à crêpe épaisse. Les faire dorer dans l’huile bouillante. Retirer du feu et saupoudrer de sucre.
Aujourd’hui le pain perdu est synonyme pour moi de l’art de transformer des éléments simples en un véritable délice. C’est par plaisir que de temps en temps, nous finissons notre pain de cette façon. Quant à la soupe au choux, ne comptez pas sur moi pour vous en révéler le secret. Mon père détestait trop cela et je n’ai jamais eu le plaisir (ou le déplaisir) d’y gouter.
L’orpheline
(au milieu des ruines causées par une bombe)
C’est aussi à cause de cette foutue guerre que mon grand-père coupait l’encre d’eau tout comme ma grand-mère coupait le lait d’eau. Il fallait que tout puisse durer longtemps puisqu’on était jamais sur du lendemain.