Mon père ce bricolo
Mon père était un as du bricolage, les plus fan vous diront un génie. Ses premières réalisations remontent bien avant ma naissance. Pendant la guerre, caché dans la forêt parce qu’il avait fui le STO (service du travail obligatoire) il avait fabriqué un alambic. C’est ce qui lui a permis de survivre : il faisait de la gnole infâme, selon ses propres mots, que ses camarades résistants revendaient aux allemands. Infâme, car le serpentin n’était pas en cuivre mais en fer.
Juste après la guerre, faute de moyens, à partir d’une pièce de monnaie, il a fabriqué une bague qu’il offrit à ma mère pour lui prouver son amour. Et toute sa vie, ce fut ainsi. Il récupérait des moteurs (machine à laver, voiture….) pour leur donner une deuxième vie. Au fil des ans, autour de la maison, s’accumulèrent des machines extraordinaires qui servaient soit à labourer le jardin, soit à transporter de la paille, soit à scier du bois….
Il fabriquait tout ce dont il avait besoin : des râteaux, des échelles, des tuteurs de tomate, des échasses, mais aussi l’agrandisseur photo, la table de ping-pong. Il y eut des réalisations prestigieuses, notamment une scierie qui servira à faire des planchers, des lambris, des poutres, des meubles et autres objets en bois… Pour les petits enfants, il y eut le cheval de bois, le petit train…
Non seulement, il fabriquait mais il transformait et rien ne pouvait l’arrêter : l’appareil photo à plaque fut transformé en appareil photo à film, la voiture électrique devint une voiture à essence. Eh oui, la voiture électrique n’est pas du tout une invention moderne. Elle apparait miniutarisé en 1834. Vers la fin du XIXe siècle, ce sont les premiers prototypes automobiles qui sont mis sur le marché. En 1900, sur 4 192 véhicules fabriqués aux États-Unis, 1 575 sont électriques, 936 à essence, et 1 681 à vapeur. Les voitures à essence les supplante peu à peu mais sous l’occupation elles ont la côte : en effet, elles permettent de contourner les problèmes de ticket d’essence lié au rationnement.. Après la guerre, cette transformation était donc très tendance et arrangeait bien notre famille : la cohabitation de deux grosses batteries qui mobilisaient l’arrière de la voiture avec 4 mouflets, c’était pas possible. La voiture fut avalisée par les mines.
Et puis, Il y eut aussi la voiture à essence transformée en voiture à gasoil qui nous emmena en Alsace, mais ça c’est une histoire que je vous réserve pour plus tard………..
Grâce à mon père, nous pouvons nous vanter d’être une des premiers foyers ouvriers à avoir accédé au confort moderne. Lorsque Hoover lança sa première machine à laver en France, il étudia le modèle que possédait une de ses connaissances et avec une bande de copains recopia à l’identique la machine. Une dizaine de foyers purent ainsi profiter de cet équipement. Il y avait au dessus deux énormes rouleaux qu’on tournait à l’aide d’une manivelle et dans lequel on coincait le linge pour l’essorage. Je n’ai malheureusement pas de photos de cette machine et ça semble difficile à trouver.
Mais le plus extraordinaire, ce fut sans conteste notre premier chauffage central. Un jour au fond du salon surgit une énorme fusée qui semblait vouloir décoller. Ça ne ressemblait à rien de connu jusque là si ce n’est les fusées envoyées dans l’espace. Cétait l’époque d’Apollo et cette odyssée l’a incontestablement inspiré. Cette fusée, était cerclée d’un horrible grillage qui servait juste à donner de la distance avec le corps pour qu’on ne se brûle pas. Ça marchait au fuel. C’était surmonté d’une grosse cheminée qui pointait vers le haut et traversait le plafond pour finir dans la chambre de l’étage supérieur. Bien entendu, il avait fallu percer le plafond ou le plancher, selon sa position, pour réaliser cette merveille. Ce tuyau envoyait de l’air pulsé. Ca m’a longtemps intrigué car pour moi une cheminée, ça envoie de la fumée ! Le débit n’étant pas suffisant il avait complété ce dispositif avec un moteur de mécano (jouet d’enfant de l’époque) pour en augmenter l’efficacité. Ca ne chauffait que deux pièces, mais ça marchait plutôt bien et c’était le 1er chauffage central du village. Le verre d’eau du soir ne se transformait plus en glace…
Le génie créatif de ma mère, beaucoup moins ostentatoire, se révélait plutôt dans la cuisine et le jardin. Avec très peu de matière, elle savait faire beaucoup, elle était reine dans la fabrication de bonbons, petits gâteaux, crèmes et autres douceurs à quatre sous mais excellentes, mais aussi dans l’art de la cochonnaille (dont je n’ai absolument pas hérité) et de la confiture. Dans le jardin, y’avait absolument tout ce qui pouvait nous permettre de survivre une année entière : pommes de terre, poireaux, petit-pois, tomates, rhubarbe, groseilles, cassis, haricots de toutes sortes, salade, radis, persil, cornichons, oignons, ail…, la viande était élevée dans notre cour, les oeufs ramassés sur la paille et le reste on allait le chercher chez le voisin (lait, beurre et crème), dans le verger (poires, pommes, cerises douces et aigres, mirabelles, reine-claude, quetsches, noix) ou dans les bois (noisettes, champignons, mures, framboises, fraises….)
Alors, quand deux créatifs se rencontrent, ça donne ça :
Ce découpoir à bonbons, ne fut pas réalisée par mon père mais fut quand même travaillée de manière artisanale par son copain à sa demande et selon ses plans. Ainsi donc mon enfance fut baigné d’objets insolites, de petits gâteaux et de bergamotes, tout cela le plus naturellement du monde.
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